“La Promesse de l’aube” ou le cri d’amour d’un fils pour sa mère
©Laura Bousquet
Au Contrescarpe, l’acteur et metteur en scène Tigran Mekhitarian propose une adaptation simple et très réussie du roman autobiographique de Romain Gary. L’histoire d’un amour éperdu d’une mère pour son fils, qui construit sa vie entière, d’homme et de combattant, sur des idéaux de liberté et de courage. Un spectacle formidable.
A livre ouvert

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Le jeune acteur et metteur en scène Tigran Mekhitarian s’attaque à Romain Gary, tout en continuant d’explorer, à sa manière, vive et chorégraphique, toute l’œuvre de Molière. Ce livre, La promesse de l’aube, roman autobiographique et fondateur, que Romain Gary écrit, à 44 ans, Consul français en Amérique, Croix de guerre et Compagnon de la Libération, Tigran Mekhitarian la fait sienne, face à nous, de la manière la plus simple du monde. Ce n’est pas qu’il s’approprie cette histoire, mais il fait comme Romain Gary : il s’invente des personnages, d’autres moi, des histoires de vie rocambolesques et tragiques comme un mélodrame héroïque. Ils sont trois comédiens sur le petit plateau du théâtre, devant une salle remplie. Autour du narrateur, sa mère, jouée par Delphine Husté, et un musicien violoniste, Léonard Stefanica, qui incarne tous les autres personnages. Avec trois fois rien, le talent de conteurs, la merveilleuse incarnation de Delphine Husté, la vibrionnante capacité de caméléon de Léonard Stefanica, ces trois artistes nous racontent la force incroyable de l’amour d’une mère pour son fils, à travers les pires difficultés et le déracinement.
“Je vivais par procuration à travers les rêves de ma mère”

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“Tu seras ambassadeur, mon fils, ou Victor Hugo, ou Ibsen. Ou les trois à la fois !” Juive et russe, Mina, la mère de Gary, né Romain Kacew en 1914, a élevé seule son fils à Vilna, dans l’Empire russe, ville devenue Wilno en Pologne dans l’entre deux-guerres puis Vilnius aujourd’hui, capitale de la Lituanie. Mina tire le diable par la queue, harcelant les bourgeoises d’acheter les chapeaux qu’elle confectionne en disant qu’ils ont été créés par le couturier français Paul Poiret. Et la suite du récit, en partie rêvée par une mère actrice, commerçante et fantasque, est nourrie de ces difficultés financières dans l’est de l’Europe secouée par la Révolution bolchévique et les guerres qui opposent Pologne et Russie. Mais Mina veut donner à son fils, qui est le plus beau, la meilleure des éducations.
Victor Hugo ou rien
Et quand, à bout de force, et en proie à l’antisémitisme, Mina décrochera un visa pour la France, ce sera pour elle l’Eldorado. Tigran Makhitarian raconte tout cela avec un sourire dans les yeux, et la modestie confondante du héros malgré lui, arrivé au lycée à Nice, ou au club de tennis, par la magie manipulatrice de sa mère. Jamais dramatique, toujours joyeux ou tendre, le comédien parvient à nous rendre crédible, émouvante et puissante cette histoire d’amour partagée, loin de tout misérabilisme. Au contraire, chaque micro événement, souvent très drôle, est une victoire sur la vie, une leçon d’humanisme. Et quand l’acteur se présente à nous, en capeline militaire, décorée d’une rangée de médailles accrochée à la poitrine, et qu’il nous raconte enfin sa rencontre à Londres avec le Général de Gaulle, on comprend que le fantôme de sa mère, qui continue à lui écrire des lettres, le soutiendra toute sa vie. C’est magnifique.
Hélène Kuttner
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